L’architecture des maisons de Veyrignac : secrets de pierre, de bois et de lumière

20/09/2025

Un patrimoine bâti ancré dans la matière locale

Pierres blondes et brunes : la marque de la région

Les maisons traditionnelles de Veyrignac doivent leur identité à la pierre calcaire extraite des carrières locales (calcaire jaunes ou bruns, souvent appelés « pierre de Sarlat » dans la région). Cette roche donne aux murs un aspect chaleureux, teinté de miel ou de tabac selon la lumière du soir. Son abondance dans le sol périgourdin explique son omniprésence dans le village : dès le Moyen Âge, elle fut utilisée pour les fondations, les murs et même les encadrements de portes et fenêtres.

On remarque parfois l’alternance de grands moellons irréguliers pour l’assise et de plus petits pour le remplissage. Cette technique, typique des bâtisseurs d’autrefois, permettait de tirer profit de chaque fragment, rien ne se perdait.

Charpentes et menuiseries : le règne du châtaignier

L’ossature et les éléments secondaires comme les linteaux ou certains planchers font la part belle au bois – en particulier le châtaignier. Ce bois, naturellement résistant aux insectes, était abondant dans les forêts environnantes. Son utilisation pour les « poutres maîtresses » est caractéristique des intérieurs périgourdins, où la charpente, parfois apparente, rythme la pièce principale.

  • On repère souvent des linteaux arrondis, taillés à la main, surmontant l’entrée principale.
  • A l’extérieur, les volets battants sont fréquemment en châtaignier, peints dans des tons sobres, allant du vert profond au gris bleuté.

Des toitures qui touchent le ciel périgourdin

Le secret des toits à forte pente

Si un détail devait incarner l’allure des maisons de Veyrignac, ce serait bien leur toiture. L’angle de pente prononcée (souvent 45° et plus), caractéristique du Périgord Noir, est pensé pour résister aux caprices de la météo. Les hivers peuvent être neigeux, les printemps généreux en averses. Cette inclinaison facilite l’écoulement rapide des eaux pluviales.

  • La couverture est généralement assurée par la lauze : une pierre plate, parfois remplacée aujourd’hui par des tuiles canal rouges ou brunes, apparues avec l’industrialisation.
  • Les lauzes traditionnelles de la Dordogne, épaisses et lourdes, pèsent parfois jusqu’à 700 kg par mètre carré (source : CAUE Dordogne).

À noter : la pose des lauzes, complexe et fastidieuse, exigeait maîtrise et patience. Les toits anciens étaient souvent réalisés par des équipes itinérantes appelées « lauziers ».

Lucarnes, oculus et pigeonniers : une silhouette reconnaissable

Les toitures sont souvent percées de petites fenêtres appelées lucarnes. Ces « chiens-assis » permettent l’aération et la lumière dans le grenier. On trouve parfois de discrets oculus (ou œils-de-bœuf), ronds ou ovales, signe d’une influence tardo-médiévale.

Aux extrémités du toit ou accolés à la maison, certains édifices arborent de petits pigeonniers carrés. Héritage des seigneuries rurales, ces éléments se remarquent à leur maçonnerie fine et à la présence d’alvéoles.

Un plan d’habitation qui épouse la vie rurale

Disposition en « L » ou en « bloc » : l’intelligence du climat

À Veyrignac, la majorité des maisons anciennes présentent une organisation en « bloc », où toutes les pièces sont abritées sous un même toit, ou parfois en « L », une aile servant de grange, de chai ou de remise.

  • La façade principale fait généralement face au sud, captant la lumière l’hiver et limitant la prise au vent froid du nord.
  • Un rez-de-chaussée surélevé, accessible par un escalier extérieur de quelques marches, protège la maison des remontées d’humidité (la Dordogne n’est jamais loin !).

Les cheminées, cœurs des foyers

Le poêle à granulés reste rare dans les maisons traditionnelles ! Ici, la cheminée monumentale règne dans la pièce à vivre. Sa base abrite « l’âtre », souvent surélevé, flanqué d’enfeus (niches murales) où l’on rangeait pain et réserve de bois.

  • La hotte, massive, s’étire jusqu’à la poutre faîtière, se détachant nettement sur le mur de façade.
  • Sur certaines souches de cheminées, on aperçoit encore des « capucins », sortes de tuiles canalisant la fumée et protégeant de la pluie.

Dans les maisons ayant conservé leur plan d’origine, on distingue peu de couloirs : une ou deux grandes pièces communes, complétées parfois d’une chambre unique, formaient l’ensemble de l’habitat.

Matériaux et techniques : transmission et adaptation

La technique du « joint creux » et de la « pierre apparente »

Les maçons du village privilégiaient la pierre apparente sans crépi, mettant en valeur textures et couleurs naturelles. On observe souvent le « joint creux » : le mortier est rentré, laissant la pierre affleurer, ce qui accentue les ombres et donne du relief au bâti, surtout le soir venu.

Sur les plus anciennes bâtisses, il n’est pas rare de croiser des murs de plus de 60 cm d’épaisseur (Source : Inventaire général du patrimoine culturel, Région Nouvelle-Aquitaine). Cela assure fraîcheur l’été, chaleur l’hiver – une adaptation tout terrain à la rudesse du climat périgourdin.

Des marques de tâcherons : la signature discrète des artisans

Près des encadrements, sur les pierres d’angle, on peut parfois dénicher d’étranges symboles gravés : ce sont les « marques de tâcherons ». Ces signatures, laissées par les ouvriers du bâti entre le XVIIe et le XIXe siècle, étaient un moyen de comptabiliser le travail, mais aussi, peut-être, un clin d’œil pour la postérité. Certains motifs – croisillons, fleurs stylisées – sont propres à Veyrignac et ses alentours.

Influences et évolutions : ouverture sur le monde, fidélité au terroir

Des emprunts venus de la vallée de la Dordogne

Lieux de passage, les villages du Périgord n’ont jamais vécu en vase clos. À partir du XIXe siècle, l’arrivée du chemin de fer à Sarlat a permis l’import de tuiles mécaniques, de ferronneries décoratives, ou encore de vitrages plus larges. Si la modernité a transformé certains aspects (portes vitrées, lucarnes agrandies), Veyrignac a conservé ses lignes de force. Les restaurations récentes tentent de respecter les codes locaux : emploi de la pierre, conservation des charpentes, enduits à la chaux naturelle…

Les « maisons à balet » : une note typique de la Dordogne

Dans quelques hameaux autour de Veyrignac, on remarque des habitations dotées d’un balet : avancée de toiture reposant sur des piliers de pierre ou de bois formant une galerie abritée. Ce « balet » servait autant à se protéger des averses qu’à faire sécher les fruits de saison (noix, prunes, châtaignes), témoignage vivant du lien entre bâti et terres nourricières.

Chroniques d’un paysage habité : anecdotes et singularités locales

  • Certains linteaux de porte portent encore gravés les initiales d’anciens propriétaires, suivies parfois de la date de construction. La plus vieille maison datée lisible à Veyrignac affiche « 1629 » (Source : Archives municipales).
  • À l’ombre de certaines toitures, des corbeaux de pierre sont visibles : ils supportaient autrefois des colombiers ou de petites galeries en bois, aujourd’hui disparues.
  • Le village compte quelques fours à pain en extérieur, cubiques, au toit très bas, disséminés dans les hameaux, mémoire d’une activité collective aujourd’hui réinventée le temps de fêtes villageoises (Source : Fédération des Foyers Ruraux Dordogne).

La beauté du temps : harmonie, transmission et renouveau

L’architecture traditionnelle des maisons de Veyrignac n’est pas un vestige figé. C’est une trame vivante où mémoire, usage et adaptation s’entremêlent. Ces maisons – qu’elles veillent à flanc de coteau ou blotties sur la place – incarnent une harmonie rare entre l’homme et son terroir. Observer attentivement la pierre, la lumière sur les lauzes, la main courbe d’un escalier, c’est, ici, traverser les siècles. Dans l’ombre des linteaux gravés et la fraîcheur des murs, Veyrignac conserve intact ce lien précieux avec la nature et ses artisans, offrant aux voyageurs un patrimoine toujours renouvelé à chaque saison.

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