Veyrignac : Découvrir les secrets de son patrimoine bâti, entre histoire et poésie

16/09/2025

Un village qui se dévoile à travers ses pierres

Au cœur du Périgord Noir, Veyrignac conserve un héritage architectural d’une richesse rare, bien souvent éclipsée par la notoriété des bastides voisines ou des châteaux plus connus de la vallée de la Dordogne. Derrière chaque façade se cachent des siècles d’histoire locale, des traditions transmises et une harmonie précieuse entre l’homme, la pierre et la nature. Que l’on soit promeneur curieux, amateur de patrimoine ou tout simplement amoureux d’authenticité, déchiffrer les secrets du bâti ancien à Veyrignac, c’est embrasser une palette de récits, de techniques et de gestes encore perceptibles aujourd’hui.

Une diversité architecturale témoin de l’histoire rurale

Les maisons paysannes du Périgord Noir

À Veyrignac, l’architecture domestique traditionnelle prend racine dans l’usage de la pierre calcaire blonde locale, extraite dans les carrières voisines. Les murs épais, parfois de plus de 60 cm, offrent une isolation naturelle idéale pour affronter les écarts climatiques de la Dordogne. Dans le bourg et les hameaux alentours, on retrouve :

  • Des toits pentus recouverts de lauzes (pierres plates taillées), aujourd’hui plus rarement visibles, car beaucoup ont été remplacés par des tuiles canal au fil du XXe siècle. Les lauzes – dont la pose nécessite jusqu’à 800 kg au mètre carré – témoignent du savoir-faire traditionnel périgourdin (Source : CAUE Dordogne).
  • Des lucarnes rampantes servant autrefois à aérer les greniers à grain, un détail typique que l’on remarque encore sur certaines maisons alignées le long de la route principale.
  • Les “bolets” : ces escaliers extérieurs en pierre, surmontés de balustrades ajourées, étaient une marque de prospérité ainsi qu’une adaptation pratique aux besoins agricoles (stockage en rez-de-chaussée, habitation à l’étage).
  • Les souillards, annexes accolées servant de cuisine d’été ou de buanderie, où l’on retrouve parfois de vieux fours à pain encore intacts.

La disposition des bâtisses, souvent en “L”, rappelle la nécessité de grouper hommes, bêtes et récoltes autour d’une même cour, offrant protection et fonctionnalité à la vie rurale jusqu’au début du XXe siècle.

Le détail des encadrements : traces des « maçons de la Creuse »

Il n’est pas rare, dans le cœur du village, d’observer la finesse des encadrements en pierre de taille. Au tournant du XIXe siècle, des maçons venus des départements voisins (notamment de la Creuse) apportèrent leur maîtrise et enrichirent les savoir-faire locaux. Le linteau sculpté au-dessus d’une porte, la clé ornée d’une date, ou encore la discrète gravure d’un symbole protecteur sont autant de petits signes à repérer lors d’une balade attentive.

L’empreinte du sacré : l’église Saint-Martin

Tout visiteur de Veyrignac ne peut manquer l’église Saint-Martin, dominant légèrement le paysage comme un phare de pierre. D’origine romane, elle fut largement restaurée au XIXe siècle, mais son abside en cul-de-four trahit son ancienneté (XIe-XIIe siècle). Le clocher-mur élancé, typique du Sud-Ouest, aurait, dit-on, été reconstruit après la Guerre de Cent Ans.

  • Autels en bois sculpté du XIXe siècle : ils illustrent la foi villageoise et la prospérité retrouvée après les heures sombres du Moyen Âge et de la Révolution.
  • Chapiteaux naïfs : dans la nef, certains chapiteaux montrent de simples motifs végétaux ou animaux, rappelant l’art "populaire" des sculpteurs locaux, loin des raffinements des grandes abbayes.
  • Pierre de bénitier ancienne, visible près de la porte principale, usée par des générations de mains et d’eau lustrale.

Un petit détail, souvent ignoré : dans le mur sud de la nef, une pierre percée d’une cavité servit longtemps de “trou à reliques”, protégée lors de processions spécifiques au calendrier local.

Châteaux et maisons nobles : le prestige discret de Veyrignac

Veyrignac n'affiche pas les célèbres tours d'un Beynac ou d’un Castelnaud. Et pourtant, deux logis nobles rappellent la place stratégique du village à la frontière du Quercy et du Périgord :

  • Le château de la Roussie (site privé), dont l’aile Renaissance fut érigée au XVIe siècle, affiche encore sa tour d’angle coiffée d’un toit en poivrière et des fenêtres à meneaux.
  • Le Manoir de Pauliac : entre grange fortifiée et maison de maître, il conserve un escalier en vis en pierre (daté du XVIIe siècle) et d’anciennes douves asséchées. La tradition orale se plaît à dire qu’un passage souterrain conduirait autrefois vers la rivière (source : France Archives Veyrignac).

L’étendue des domaines agricoles paysans, répartis en métairies et petites pièces closées de murets, rappelle la mosaïque du patrimoine rural périgourdin, autour de ces demeures historiques.

Murs, cabanes et patrimoine invisible

Les cabanes de pierre sèche (« gariottes » ou « bories »)

Veyrignac, tout comme ses voisins de la vallée, regorge de cabanes de pierre sèche. Ces gariottes servaient d’abri temporaire aux bergers, de garde-outils ou de poste de vigie saisonnier. Assemblées sans liant, ces constructions traversent les siècles, leurs coupoles supportées uniquement par l’ingéniosité paysanne.

  • Plus de 80 gariottes répertoriées sur le territoire communal durant le recensement réalisé par l’association La Pierre Sèche du Sarladais (Source : rapport de 2017).
  • Leur implantation répondait souvent à une logique de partage foncier, marquant les limites entre deux prairies, deux familles, ou comme simple repère sur les sentiers de transhumance.

Murets, fontaines, puits : l’irrésistible poésie de la pierre sèche

  • Des kilomètres de “cléds”, ces petits murs de pierre sèche, serpentent dans les sous-bois de Veyrignac, liés à l’ancien cadastre napoléonien.
  • Fontaine du Ruisseau de Pauliac, une source dite miraculeuse, était autrefois destinée tant à l’abreuvement du bétail qu’aux bains rituels de la Saint-Jean, perpétuant croyances locales et traditions orales (Source : Inventaire patrimoine Nouvelle-Aquitaine).
  • Puits communs, souvent datés de la fin du XVIIIe ou début XIXe, partagés jusque dans les années 1950 entre plusieurs familles, cristallisent la mémoire d’une vie collective et solidaire, aujourd’hui presque disparue.

Anecdotes et légendes autour du bâti de Veyrignac

Au fil des siècles, la pierre n’a jamais été qu’un simple matériau à Veyrignac. Elle est vectrice de légendes, de superstitions et de récits populaires.

  • On raconte qu’une pierre gravée d’une croix dans la ruelle du Pech aurait le pouvoir de protéger les habitants du quartier sud contre les épidémies de bétail depuis le XVIIIe siècle, à condition d’y déposer une poignée de grains de blé lors des semailles.
  • Une vieille tradition voulait que les bâtisseurs glissent une pièce de monnaie sous la première pierre d’une maison neuve, geste de prospérité qui aurait perduré jusqu’aux grandes rénovations de l’après-guerre.
  • Le mystère des “portes basses” : dans certains hameaux, il fallait franchir une porte inférieure à 1,60 mètre pour accéder à la grange. Les versions divergent : pratique pour limiter les courants d’air, signe de modestie ou barrière contre de mauvais esprits… Personne ne saurait plus dire la vérité exacte, mais la porte est restée.

Transmettre et préserver : un patrimoine qui vit

Le bâti ancien de Veyrignac n’est pas figé dans le passé ; il continue d’inspirer et d’impliquer les habitants. À l’heure où l’on redécouvre les valeurs d’écoconstruction et d’adaptation locale, la restauration à l’identique des murs en pierre sèche ou la réfection d’une lauze sont devenus symboles d’un savoir-faire à transmettre.

  • Des chantiers collaboratifs portés par le Parc Naturel Régional Périgord-Limousin ou la communauté de communes Sarlat-Périgord Noir ont permis de sauvegarder des ensembles de murets et cabanes (PNR Périgord-Limousin).
  • Des artisans locaux s’attachent à perpétuer la technique de la pose de lauzes ou la restitution fidèle des encadrements en pierre de taille, tout en s’ouvrant à l’innovation.
  • Depuis 2018, la mairie de Veyrignac appuie plusieurs initiatives d’inventaire participatif pour documenter granges, souillards, gariottes et puits sur toute la commune.

Oser regarder au-delà des façades

Le patrimoine bâti de Veyrignac ne se résume ni à son église ni à ses quelques châteaux. C’est un subtil dialogue entre chaque pierre posée, ce que murmurent les murs et ce que porte la mémoire des lieux. Découvrir ce patrimoine, c’est aussi saisir l’essence d’un art de vivre dit “de peu”, mais éminemment porteur de sens. En venant à Veyrignac, laissez-vous guider par la lumière sur une voûte, une odeur de pierre mouillée après la pluie, ou le chant du vent entre les murs de la vallée : chaque détail vous racontera un secret du village, à condition de savoir regarder.

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